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La Coiffe Noire

Au début du XVe siècle, le Ve Karmapa, Déshin Shègpa, accepta une invitation de l’empereur de Chine à lui rendre visite et à enseigner à la cour impériale. Le voyage depuis le Tibet dura trois ans, car le Gyalwang Karmapa se déplaçait lentement avec son vaste campement, propageant le dharma tout au long de la traversée des immenses territoires qui séparaient le Tibet de Nanjing, la capitale chinoise. Déshin Shègpa suivit les pas des IIe, IIIe et IVe Karmapas, chacun d’eux ayant accompli cette longue marche. Comme l’avaient fait ses prédécesseurs, le Ve Karmapa établit des connexions avec les communautés qu’il rencontrait en chemin et, à la fin de son voyage, développa des relations étroites avec l’empereur de Chine. Quand Déshin Shègpa arriva enfin à Nanjing, des milliers de moines étaient là pour l’accueillir à son entrée dans la capitale chinoise.
 
Un mois après son arrivée, le Gyalwang Karmapa commença à enseigner. Pendant vingt-deux jours, il donna à l’empereur et à sa cour ce qui fut, de l’avis général, une série extraordinaire d’enseignements et d’initiations. Au cours de cette grande transmission du dharma, les participants furent les témoins du déploiement quotidien de signes remarquables. Les historiens de la cour de Chine firent un compte rendu détaillé de ces événements, décrivant méticuleusement la nature exceptionnelle du dharma conféré par le Karmapa. L’empereur en fit inscrire la chronique sur un manuscrit doublé de soie de quinze mètres de long, contenant des illustrations et des récits en cinq types d’écritures. Une copie de ce magnifique manuscrit fut offerte au Karmapa et fut conservée, pendant des siècles, au monastère de Tsourpou. Elle se trouve aujourd’hui au Musée de Lhassa.
 
Ces manifestations des pouvoirs exceptionnels du Karmapa préparèrent l’esprit de l’empereur Yonglé à percevoir sa magnificence. Un jour, pendant une cérémonie, l’empereur Yonglé, éprouvant une grande foi, perçut soudain une coiffe noire qui semblait flotter au-dessus de la tête du Ve Karmapa. Profondément inspiré par cette expérience, il demanda à Déshin Shègpa la permission de confectionner une réplique fidèle de ce qu’il avait vu. Le Karmapa donna son consentement et l’empereur guida alors des artisans dans la fabrication de la coiffe. Bien que d’un bleu profond, elle semble noire vue de loin et on l’appela la Coiffe Noire.
 
La Coiffe Noire ornée de pierres précieuses portée par les Karmapas lors de la cérémonie de la Coiffe Noire (photo page 110) permet aux participants de percevoir le reflet des qualités des Karmapas telles qu’un disciple de grande foi put les voir en 1407.
 
 

Ce que vit l’empereur : la coiffe qui apparaît naturellement

L’empereur demanda une explication de ce qu’il avait vu et il apprit que la coiffe était une particularité de la présence physique de tous les Karmapas, particularité qui apparaît naturellement. Bien avant sa naissance en tant que Dusoum Khyènpa, le Ier Karmapa, dans une vie antérieure, avait déjà atteint le dixième bhūmi de bodhisattva, un niveau d’accomplissement spirituel exceptionnellement élevé. Quand un bodhisattva atteint ce niveau, tous les bouddhas se rassemblent et confèrent au nouveau bodhisattva de la dixième terre une initiation spéciale, appelée initiation ou abhiṣeka de la coiffe. Pour celui qui allait devenir le Karmapa, dès l’instant où il reçut cette initiation, cette coiffe est devenue un aspect de sa personne, qui se manifeste naturellement. Appelée la « Coiffe de sagesse qui apparaît naturellement » (yéshé rang nang gi cheupèn, en tibétain), elle n’est visible que par ceux qui ont la rare pureté de vision qui permet de percevoir les bouddhas sous leur véritable forme, sambhogakāya en sanscrit. Bien qu’elle soit voilée au regard de la plupart des êtres ordinaires, si grâce à une foi immense et inébranlable, un disciple purifie son esprit, il peut alors contempler la « coiffe qui apparaît naturellement ».
 
La vision de la coiffe par l’empereur était certes un événement exceptionnel. Cependant, les qualités de tous les grands pratiquants se révèlent extérieurement quand ils atteignent certains niveaux d’accomplissement spirituel. De tels signes extérieurs de qualités intérieures sont décrits dans les biographies du Bouddha. De nos jours, en présence de maîtres spirituels hautement accomplis, il arrive encore que certains aient un aperçu de leurs qualités extraordinaires. Cependant, le cynisme qui domine notre époque ainsi que la compétitivité qui nous rend peu enclins à tenir les autres en haute estime constituent de sérieux obstacles et nous empêchent de reconnaître la grandeur présente parmi nous.
 
Même à l’époque des premiers Karmapas, seules quelques rares personnes étaient capables de comprendre leurs qualités exceptionnelles. Pourtant, en raison de la bonté de l’empereur Yonglé, qui créa une réplique à partir de matériaux visibles par tous, au cours de ces six cents dernières années, des êtres ordinaires ont eu l’occasion d’entrevoir ce qui est normalement voilé pour eux. On dit que voir cette coiffe est suffisant pour poser en nous la graine de la libération, ce que reflète son nom officiel : la « Coiffe qui libère par la vue » (ousha thong dreul).
 

La cérémonie

La « Coiffe qui libère par la vue » est non seulement une représentation matérielle des qualités de l’esprit incarnées par les Karmapas, mais aussi un moyen par lequel ces qualités peuvent inspirer les êtres et faire leur bien. À cette fin, les Karmapas du passé ont élaboré un rituel connu aujourd’hui sous le nom de cérémonie de la Coiffe Vajra ou de la Coiffe Noire. Bien que ceux qui y assistent ne soient que des êtres ordinaires, voir le Karmapa porter cette coiffe matérielle donne un avant-goût de l’expérience future quand, leur esprit étant purifié, ils seront capables de percevoir toutes les qualités des êtres éveillés sans l’aide de supports extérieurs.
 
La cérémonie elle-même commence par une offrande de maṇḍala, suivie d’une traditionnelle prière à sept branches. Ensuite, le Gyalwang Karmapa entre en profonde méditation, se visualisant sous la forme du bouddha de la compassion Avalokiteśvara, avant de porter la coiffe tout en récitant le mantra de six syllabes : oṃ maṇi padme huṃ.
 
En exil, Sa Sainteté le XVIe Karmapa adopta la cérémonie de la Coiffe Noire comme activité essentielle pour faire le bien des êtres. Il choisit de conférer ses bénédictions de nombreuses fois en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. Beaucoup de disciples occidentaux qui pratiquent aujourd’hui le bouddhisme dans la tradition Karma kagyupa ont fait leurs premiers pas dans la lignée suite à leur contact avec le XVIe Karmapa lors de ce rituel.
 
L’histoire n’a pas enregistré la date de la toute première cérémonie de la Coiffe Noire, mais il est clair que la pratique s’était déjà largement répandue à l’époque du IXe Karmapa, Wangchouk Dorjé (1556-1603). Dans sa biographie du IIIe Dalaï-Lama, Seunam Gyatso (1543-1588), le Grand Ve Dalaï-Lama décrit une rencontre entre le IXe Karmapa et le IIIe Dalaï-Lama. À l’époque, le IIIe Dalaï-Lama fit de vastes offrandes et présenta la requête au IXe Karmapa d’accomplir la cérémonie de la Coiffe Noire en son honneur. À la fin de la cérémonie, le IIIe Dalaï-Lama demanda la permission de toucher la coiffe et de la porter lui-même. Le IXe Karmapa accepta et la biographie rapporte que des signes auspicieux apparurent alors. Il semble donc attesté que peu de temps après la confection de la coiffe matérielle, la cérémonie de la Coiffe Noire revêtait déjà une grande importance.
 
 

Les autres coiffes du Karmapa

La Coiffe Noire n’est pas la seule coiffe associée au Karmapa. La lignée du Karmapa a aussi reçu une autre coiffe unique, tissée des cheveux de milliers de ḍākinīs, que celles-ci offrirent spontanément au Karmapa. Au Tibet, cette coiffe noire étincelante était conservée par le Karmapa sous stricts scellés et n’était pas montrée en public.
 
Une troisième coiffe distinctive du Karmapa et qu’il porte encore aujourd’hui lors de certaines occasions publiques est la Coiffe de l’Activité (lé shou). En recevant son ordination monastique mineure, le Ier Karmapa, Dusoum Khyènpa, eut une vision dans laquelle un bouddha lui offrait une coiffe noire. Plus tard, il confectionna une reproduction de cette coiffe, qu’on appela la lé shou. La lé shou d’origine portée par le IIe Karmapa, Karma Pakshi, est représentée page 111 et celle de l’actuel Gyalwang Karmapa se trouve juste au-dessous, à la même page. Après l’époque du IVe Karmapa, Rolpé Dorjé, on ajouta au lé shou des ornements supplémentaires. Avec le temps, cette lé shou finit par avoir des traits en commun avec la coiffe fabriquée par l’empereur Yonglé. Bien que, dans les peintures, on prenne souvent la Coiffe de l’Activité pour la Coiffe qui libère par la vue, elle est en fait bien distincte.
 
 
La « Coiffe qui libère par la vue » des Karmapas est conservée aujourd’hui au monastère de Rumtek, au Sikkim, dans le nord de l’Inde. On peut voir le Gyalwang Karmapa porter la Coiffe de l’Activité et un certain nombre d’autres coiffes quand il accomplit différentes activités pour le bien des êtres et lors de certaines occasions particulières. En revanche, la « Coiffe de sagesse qui apparaît naturellement » ne peut être vue que par très peu de gens. Pourtant, comme les réincarnations successives de Dusoum Khyènpa prennent une forme humaine pour agir pour le bien des êtres, on dit que la coiffe est toujours posée au sommet de leur tête, signe de leur présence glorieuse en ce monde.
 
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