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Message de Lama Rinchen Palmo

Adressé à la communauté de Samyé Dzong à Bruxelles le 28 octobre 2013

 

Il y a quelque chose qui m'est revenu en mémoire récemment. Pour les 60 ans de Rinpoche, il y a 13 ans, il avait été organisé une récolte d'anecdotes afin de pouvoir garder la mémoire de quelqu'un d'aussi exceptionnel et j'ai relu quelques passages de ces lettres avant de venir. Beaucoup de gens qui ont participé à ce livret s'y excusaient d'avoir pris tant de temps pour réaliser la valeur de cet être. Ca m'a frappé. Lorsque nous avons commencé, nous étions ignorant bien sûr et quelqu'un d'ignorant ne peut pas reconnaître quelque chose de grande valeur parce qu'il ne sait pas ce qu'il regarde. Il y avait aussi le côté de l'humilité de Rinpoche, une humilité extraordinaire, elle aussi sans faille. Si bien qu'on pouvait très bien passer à côté d'Akong Rinpoche sans se rendre compte de la personne qu'on avait en face de soi. Beaucoup, dans leur écrit, disent « je suis tellement désolé, j'ai tellement honte » !

 

 

Akong Rinpoche était simple et sans prétention, mais en fait cette humilité cachait sa valeur ultime du bodhisattva. Le bodhisattva c'est quelqu'un qui a une humilité parfaite, totale, c'est un des signe du bodhisattva. De nos jours le mot bodhisattva est un peu galvaudé, un peu éculé, on l'utilise à toutes les sauces. Si on laisse sa place dans un bus, « ah, quel bodhisattva tu es ! ». Mais un véritable bodhisattva c'est autre chose, n'est-ce-pas. L'une des qualités premières du bodhisattva c'est le courage mentionné dans le Sutra du Coeur, cette intrépidité, cette état qui a dépassé la peur.

 


Cela m'a rappelé une autre histoire des débuts de Samye Ling au cour de ses dix premières années. Il y avait pas mal de gens à SL qu'il acceptait et accueillait qui avaient d'énormes problèmes psychiques. Il faisait vraiment porte ouverte à tout le monde. Un jour il y avait une femme qui avait une terrible crise au réfectoire – beaucoup de choses se passent au réfectoire, beaucoup d'émotions s'y expriment – elle faisait une crise de rage et envoyait les assiettes voler. Personne ne pouvait plus l'approcher sans qu'une assiette ne vole dans sa direction. Le sol était jonché de débris et personne ne savait quoi faire. On a fait appel à Akong Rinpoche. Elle était là, debout, armée. Il est entré, ceux qui le connaissent save bien comment il bougeait toujours d'une manière sûre, lente et sans crainte, d'une démarche aisée et très vigilante. Il a marché vers elle, sur les débris, et il l'a prise dans ses bras. Là elle a lâché, s'est effondrée en sanglots, totalement pacifiée. Il avait suffit de ce geste de la prendre dans ses bras.

 


Pour moi, c'est l'image même de Rinpoche. La compassion, l'absence de peur et l'absence de jugement. De savoir exactement de ce dont la personne a besoin à tout moment, sans jugement. Ce fut toujours un exemple exceptionnel pour moi car il y a très peu de gens qui peuvent le faire. Chacun d'entre nous peut y arriver au moins une fois, peut-être dans le mois, dans l'année, ou dans une vie. Mais le faire jour après jour du matin au soir et du soir au matin est quelque chose d'extraordinaire. Je voulais partager ça avec vous parce que ce sont pour moi des exemples qui sont très symboliques de sa présence parmi nous.

 


Et aussi, comment Rinpoche avait un tel éventail d'activités : il était maître spirituel, parfois on a critiqué le fait qu'il n'ait pas suivi un parcours universitaire, mais en tant que Tulku il était déjà une réincarnation de quelqu'un qui avait fait énormément de pratique et avait une réalisation supérieure qui lui avait permis de renaître en tant que la deuxième incarnation d'Akong Rinpoche. Pour moi, sur le plan spirituel, on le voyait une fois par an en retraite, pas plus souvent, il disait très peu de choses, il n'était pas bavard de nature, mais il suffisait qu'il me dise deux, trois mots et ces deux, trois mots c'était mon instruction pour l'année. D'ailleurs, ces deux, trois mots sont encore des instructions pour la vie. C'était sa manière d'enseigner, une manière directe qui sortait du concept, aller directement à l'essence. Une manière presque « zen », ou mahamudra ou dzogchen, une manière très directe d'enseigner. C'était son apport spirituel.

 

 

De plus, il y a l'apport sur le plan thérapeutique : Rinpoche avait commencé son activité Tara Thérapie qui se poursuit et qui aide beaucoup de gens. Elle a l'avantage d'être destinée à tous les êtres sans avoir besoin d'être bouddhiste.
Elle est ouverte à tous ceux qui peuvent s'y connecter. Elle est basée sur des concepts bouddhiques.
Et puis, il y a toute son activité Rokpa mise en place pour soulager les douleurs du monde sur le plan plus matériel et physique. C'est là que maintenant il a disparu, en allant justement aider et continuer ses projets humanitaires au Tibet.

 

 

Rinpoche est quelqu'un qui avait une activité gigantesque sur tous les plans.

 

 

Son départ nous a laissé très désorientés, par sa brutalité, par ce côté sauvage. Et on entend beaucoup de gens dire : mais pourquoi, comment se fait-il qu'il puisse arriver ça à un être aussi bon, aussi excellent ? Ce n'est pas juste. Où est la logique ? Cela nous semble énorme. Il n'y a pas longtemps, à Holy Island, le maître de retraite nous parlait de Devadatta, un des cousins du Bouddha Sakyamuni, très évolué, possédant énormément de connaissances et qui se croyait justement plus avancé que son cousin et a tenté de l'empoisonner et de le tuer plusieurs fois. Il est dit que Sakyamuni lui même a été empoisonné, il est mort empoisonné. Et le Droupön, notre maître de retraite, nous disait qu'au cours des siècles il y a eu pas mal d'exemples de grands lamas qui sont morts, tués brutalement par leur disciple. Milarepa et beaucoup d'autres. Etre guru et lama est une occupation dangereuse. On a affaire là, au fait que le bodhisattva, bien que ne créant plus de karma dans sa situation de pureté, a encore du karma à éliminer. Bien que ne pouvant imaginer ce que Rinpoche à pu dire ou faire, je pense que c'est là une expression de karma qui devait être purifiée et c'est aussi notre karma en tant que disciple, nous partageons ce karma. Toute situation de crise ou de brutalité comme celle-là, si nous arrivons à l'apprécier et à y voir la possibilité de purification, elle a alors la possibilité d'être transformée. On peut faire de cette situation quelque chose de tragique, un fait divers sordide, quelque chose de terrifiant, mais on peut aussi en faire quelque chose qui va nous porter, nous faire comprendre d'autant plus l'impermanence, que nous sommes tous voués à l'impermanence. Si quelqu'un comme Rinpoche est voué à l'impermanence, nous le sommes d'autant plus. Il n'y a pas d'exception. Cela nous rappelle que c'est bientôt à nous, nous allons tous passer par là d'une manière ou d'une autre, paisible ou brutale. Il y a cet aspect là. Il y a également l'aspect que beaucoup de disciples ont ressenti après son départ, c'est qu'ils étaient très proches de lui, son esprit était là avec nous d'une manière très lumineuse, très pure, très forte et très puissante. Les gens ont eu différentes expériences, dans leurs rêves, dans leur vie quotidienne, une sorte d'acuité, une sorte de montée en acuité de leur vision, de leur perception. On dit ça des grands maîtres, leur départ est aussi un moment privilégié pour entrer en contact direct avec leur conscience, leur conscience pure. Pendant toute cette période, on nous encourage à méditer, à faire des prières et des rituels pour entrer en contact direct avec sa conscience. Ce n'est pas parce que lui a besoin de prières, c'est parce que pour nous c'est une occasion privilégiée pour entrer en contact avec la sagesse primordiale qu'il avait. C'est pour ça que nous sommes là, c'est pour partager cela entre nous et le faire fructifier. C'est quelque chose d'unique et de rare.

 

 

Tai Situpa a encouragé tout le monde à accumuler un grand nombre de mantras. Brigitte nous a offert un beau livre pour y inscrire le nombre de mantras que nous pouvons faire chez nous. Il y a le mantra d'Amitabha : Om ami dewa Hrih ; le mantra de Chenrézig : Om mani peme Hung ; le mantra de Guru Rinpoche : Om Ah Hung Om benza siddhi Hung et le court mantra de Dorje Sempa : Om benza satto Hung. A vous de choisir quel mantra vous préférez réciter, il en faut cent millions de chaque entre tous les Samye Dzong. Ces récitations n'ont pas besoin de s'accompagner d'un rituel. Ce livre sera dans le hall, et en passant au centre vous pouvez rajouter le nombre de mantras que vous avez accumulés, tout cela dans la même optique d'être en relation avec Rinpoche. Il y a aussi dans le hall un livre d'or où on encourage ceux qui l'ont connu à écrire, à partager quelque chose au sujet de Rinpoche.

 

 

A Samye Ling, Lama Yeshe a demandé à Rinchen Khandro qui s'occupe de Samye Dzong à Edimbourg de rassembler toutes les anecdotes, les souvenirs depuis le début, tout ce qui vous semple intéressant ou symbolique de votre rapport avec Akong Rinpoche pour qu'on en fasse une archive pour garder le plus possible de trace. Depuis le livre qui a été fait à l'époque des 60 ans de Rinpoche, déjà pas mal de disciples ont disparu. Nous n'allons pas tarder non plus et il serait bon de laisser notre témoignage pour qu'il souligne le passage dans notre vie, dans ce moment de l'histoire, de cet être extraordinaire.

 

 

Il a été dit que le corps de Rinpoche, pour des raisons légales, a été conservé à la morgue pendant une semaine et la police et les docteurs légistes ont été très surpris du fait que le corps rajeunissait, avait une apparence jeune et possédait un lustre. Il n'avait pas l'aspect d'un cadavre normal. Ils n'avaient jamais vu ça. Là aussi, je pense, c'est une de ces activités de Bodhisattva, de montrer à ces docteurs chinois qui en général n'ont rien à voir avec le domaine spirituel qu'ils ont à faire là à quelqu'un d'extraordinaire, à un yogi.
Un grand maître Nyigmapa considérait Akong Rinpoche comme un yogi secret. Je pense qu'on le voit bien à la façon dont il est mort. C'en est une confirmation.

 

 

En même temps qu'il y a une énorme tristesse pour nous évidemment, un sentiment de perte, il y a aussi une inspiration pour continuer à pratiquer. C'est ce qu'il voulait toujours que nous fassions, c'était son voeu le plus cher. Ce qui venait toujours en premier pour lui c'était la pratique. Il s'occupait de tous les côtés humanitaire, etc. mais il a répété combien de fois que pour lui le plus important c'était que l'on travaille sur notre esprit, sur les émotions. C'était ce qui comptait le plus pour lui. Je pense que c'est ce qu'on peut faire de mieux pour continuer sa mémoire. C'est très simple, il suffit de continuer et de faire le mieux possible.

 

 

Situ Rinpoche nous a recommandé de faire la pratique de Milarepa, le père de la lignée, pendant les 49 jours du bardo d'Akong Rinpoche. L'important c'est l'aspect de supplique, le yoga du maître. On essaye, comme je le disais tout à l'heure, d'entrer en prise directe avec la conscience du maître. On fait aussi un Tsok où il ne s'agit pas seulement de manger des biscuits, de se nourrir. En fait le tsok est en fait un rituel de purification pour remédier aux failles, aux fautes que l'on a pu commettre, aux engagements (samaya) qu'on a pu briser. C'est pour réparer les fautes passées. Il y a l'aspect supplique au Lama et l'aspect purification dans la pratique du yoga du maître, guru yoga. Milarepa est bien sûr vénéré dans toutes les écoles du bouddhisme Tibétain, il est l'exemple même du yogi, de celui qui a réussi à transformer en une seule vie d'énormes crimes. Il était exemplaire dans sa réalisation. Rinpoche aimait bien nous chanter des chants de Milarepa lorsqu'il venait nous voir en retraite. Il était très content quand il nous voyait faire les pratiques yogiques. Lors de la sortie de ma première retraite, la tradition veut que tôt le matin dans le froid, avec simplement un drap blanc sur soi, bien que l'hiver écossais ne soit pas l'hiver tibétain, on devait faire le tour de l'enceinte du centre de retraite trois fois en dansant de manière très lente pour être bien sûr d'essayer de garder sa chaleur pendant tout ce temps-là. C'est une manière d'exprimer que l'on est parvenu à acquérir un peu de pratique. Pour l'occasion, dans le milieu de l'enceinte il y avait un bâtiment où Lama Yeshe faisait ses retraites, et Akong Rinpoche avait invité les représentants de l'ambassade de Chine Ils y étaient tous installés derrière la vitre en manteaux de fourrure et nous regardaient comme un spectacle. Je voyais bien l'humour d'Akong Rinpoche, comme pour dire : « voici, vous nous avez chassés mais on continue quand même ... »

 

 

Voilà quelques petites petites esquisses de mémoire d'Akong Rinpoche.